Élias Thuloup photographe écrivain

Textes courts

Nouvelles

Cinq villes... suivi des hommes de lumière

Préfacé par François Momal, ce recueil de nouvelles comprend en particulier Tingis qui a été publié dans le numéro 39 de la revue de la rue Saint Ambroise et Durbar Square qui a été publié dans le numéro 41.

6
Nouvelles
5
Villes imaginaires
32
Personnages
50
Pages

Les Nouvelles

Le recueil Cinq Villes rassemble les textes « Durbar Square », « Tingis », « Edo », « Crescent City » et « Viliolicors » dont l'action se situe au cœur de métropoles que le lecteur reconnaîtra peut-être, mais dont le nom a été modifié afin de le prémunir - autant que possible - contre ses éventuels souvenirs ou représentations.

Dans un tout autre registre, « Les Hommes de Lumières » est davantage une réflexion sur notre époque et notre avenir.

François Momal, à qui l'on doit les romans Austin TX, Central Time et Le banc de la victoire, nous a fait l'amitié de préfacer ce recueil en soulignant ce qui, chez Elias, fait le plus échos à sa propre démarche d'écrivain qui excelle à installer le lecteur dans l'évidence et la vérité de récits pourtant très éloignés de son monde.

Cinq villes

suivi des hommes de lumière

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Extraits

Durbar Square

« Point de convergence obligé des touristes, le square était une source de revenu facile pour la ville qui avait rendu son accès payant pour les étrangers. Elle affectait une poignée d’agents (et presque autant d’uniformes) à la perception du droit de passage. Debouts derrière de petits guichets ambulants qu’ils déplaçaient opportunément selon le flux des visiteurs, ces contrôleurs traquaient le touriste, en jouant de leurs sifflets et de leurs épaulettes. Ainsi était perçu ce que les femmes du lavoir appelaient l’impôt sur la crasse, par allusion aux principaux contribuables : de jeunes occidentaux ravis qui arrivaient au cœur de la ville, sac au dos, négligés et poilus, dans un état de saleté dont l’Occident a le secret. »

Tingis

« Quoiqu’encore endormi, Smaïl entendit l’appel. Le chant se mêlait à son rêve, au sable, au désert. Le nom de Dieu s’étirait en notes fixes et sa conscience y prit appui pour échapper au sommeil. Chaque louange était un pas de plus vers la lumière du jour. A cette époque de l’année, la prière du matin coïncidait avec le lever du soleil. Les yeux mi-clos, il gagna le balcon, saisit les frais barreaux, y appuya sa tête d’enfant pour observer la ville. Une brume venue de l’océan occupait les bas-quartiers, comblait les vides, dessinait les contours d’îles colorées sur lesquelles flottait le chant des minarets. C’était là sa ville rêvée. Calme, douce et pieuse. Si peu semblable à elle-même. Telle qu’elle se montrait aux fidèles de la première heure du jour, comme la promesse d’un autre monde. »

Crescent City

« Le dernier soir, Amy et Bessie se rendirent à pied au Jole Blon’ Bar près de la station de tramway. Elles marchaient en silence, sous un ciel sombre et sans nuage, frôlant les fleurs de magnolias des jardins avoisinants encore figés dans la chaleur du jour. Après avoir emprunté la passerelle qui enjambe le Bayou Saint John, elles s’engagèrent dans une rue mal éclairée au bout de laquelle vibraient les teintes pastelles d’une enseigne à néon Dixie Beer et d’un feu de signalisation. Un tramway coupa la perspective avec fracas, furtivement chargé de reflets orangés, puis disparût. »

Edo

« Les douleurs dans le dos que ressentait Obãsan devenaient difficilement supportables. En cette fin de journée d’Umi no hi - fête de la mer - elle empruntait le métro aérien pour aller dans le quartier résidentiel d’Amanuma, chez son fils, sa femme et leurs deux enfants. Le soleil approchait de la ligne d’horizon. Une colonie de nuages mauves flottait sur l’entrelacs serré des toits et des fils électriques. Tandis qu’Edo défilait sous ses yeux le soleil chauffait son visage et Obãsan se laissait bercer à chaque virage, songeant que sa vieillesse la ramenait à l’enfance par des chemins inattendus. »

Viliolicors

« La menace d’une guerre nucléaire progressait chaque semaine au classement du Top 50. Les radios passaient en boucle cette inquiétante chanson anglaise qui avait le rythme lent et inexorable d’un balancier d’horloge. Les paroles échappaient largement à leur compréhension, mais Franck et Mathieu reconnaissaient à l’avance les moments où tombaient comme un couperet les mots « President », « Soviet », « common sense » et « political fence ». La pochette du 45 tours était demeurée plusieurs semaines sur le rayon réservé aux meilleures ventes d’où le chanteur fixait gravement les clients du Monoprix. Il partageait l’affiche avec « tchiki boum », « l’amour à la plage », et le sourire ingénu de Sabine, l’interprète des « bêtises ». Au fil des mois, l’inquiétude avait fait place à l’espoir d’une ouverture et d’une paix durable. »

Les Hommes de lumière

« Bien malgré moi, je suis touché par la beauté de cette cérémonie. L’heure et le jour ont été soigneusement choisis. Il fait très beau. Il n’est pas raisonnable, à mon âge et dans mon état, de demeurer ainsi, à demi nu sur les gradins de l’ancienne piscine municipale reconvertie en baptistère. Mais je n’ai pas froid. Un rayon de soleil traverse la coupole de verre. Il éclaire la totalité du bassin, rempli, selon le rite, depuis deux jours. L’eau est parfaitement immobile, n’altérant pas les détails du carrelage en profondeur. Il me semble que je n’ai jamais vu autant d’eau et de lumière. Ou plus exactement, je n’avais jamais vu ces deux éléments dans cet état de simple harmonie. Pour la première fois je comprends mieux cette obsession qu’ils ont tous ; cette vénération de l’« eau ensoleillée ». J’apprécie le tumulte des flots, des cascades, le miroitement des rivières sur les galets. J’ignorais encore l’étrange sentiment que procure la vue d’une telle quantité d’eau translucide, sans la moindre ride à sa surface, comme libérée de sa masse par le soleil ; en apesanteur. Il y a bien là quelque chose de troublant. »

À propos de ce site

Élias Thuloup

Élias Thuloup est né en 1976. Il essaie, au travers de ses photographies et de ses textes courts, de restituer l’impression que lui laisse tout voyage : celle d’une rencontre avec un monde à la fois familier et étrange, où les expériences les plus communes empruntent les formes les plus inattendues. Un prisme qui éparpille et recompose, comme un rêve.

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